Texte inspiré par les parodies d’écrits scientifiques de Georges Perec, notamment Cantatrix Sopranica L.
Pr. Granger, chef du service d’urologie à la faculté de médecine de Lille.
Il s’agissait de déterminer l’effet à court terme d’une immersion dans une solution catalytique de yasminodaminose à 100%. Aucun des chercheurs associés à ce laboratoire n’ayant voulu se prêter à l’expérience, nous avons choisi un exemplaire relativement courant de primate supérieur (ou présumé tel pour les besoins de l’expérience) de sexe masculin, en l’occurrence un martinus vulgaris, décrit pour la première fois en 1974 [1] et pour lequel on dispose d’un corpus important de recherches menées depuis les trente dernières années [2]. Le sujet (consentant) a subi un conditionnement préalable classiquement administré dans ce type d’expérience, à savoir l’ingestion par voie orale d’une soixantaine de centilitres d’éthanol (CH3-CH2-OH) dilué à 13,5% dans une solution de Chardonnay dans un premier temps, puis de Cabernet-Sauvignon après environ une heure [3]. Le taux d’imprégnation alcoolique ne sera toutefois pas considéré ici comme un élément pertinent dans l’analyse finale du comportement, dans la mesure où ce produit constitue un désinhibiteur propre à favoriser la phase catalytique, bien plus qu’un facteur extérieur de nature à biaiser les mesures finales [4]. Signalons également l’ingestion d’une quantité indéterminée quoiqu’assez importante de gratin dauphinois (gratinum delphinensis).
La mise en présence du catalyseur ne semble pas à première vue provoquer de réaction particulière chez notre specimen. Cette première observation semble contrarier la plupart des expériences précédentes [5], qui avaient mis en évidence des symptômes largement décrits dans nos travaux : palpitations, tachycardie, assèchement des muqueuses, bafouillement, priapisme et rougeurs faciales. La situation change rapidement après le passage en position de décubitus, la réduction de la luminosité ambiante à 8 Lux et surtout la proximité immédiate, voire le contact avec la solution de yasminodaminose. Le graphe suivant met en évidence la corrélation entre les facteurs pré-décrits et l’apparition de symptômes priapiques, la mesure étant effectuée à l’aide d’un senseur numérique posé sur l’élastique du slip selon la méthode de Fernando Van Dormael [6]. On note pour terminer que la durée des manifestations est de toute évidence bien moindre que lors des premières expériences, ce qui laisse suggérer un phénomène d’accoutumance ou de mythridatisation. Pour cette raison nous suggérons pour l’avenir de diminuer la fréquence des expériences, ou de recourir à un spécimen différent.
La version complète de cet article est parue (en anglais) dans le numéro de mai 2007 du New England Journal of Medicine.
[1] Voir notamment J.-P. Granger, Reconnaissance de paternité en vue de l’établissement d’un acte de naissance, Lille, 1974 et Moi mon prénom c’est pas Désiré, in Libération, 9 jan. 1974, p. 22.
[2] L’intéressante série Bulletins scolaires, cotés CR-84-2684 à CR-91-69635 dans la salle des archives du collège Franklin de Lille est à cet égard une source précieuse. Voir aussi l’incontournable Correspondance en onze volumes, en cours de publication chez Damiens & Associates, Boston.
[3] Ce protocole diffère légèrement de celui adopté habituellement (utilisation de céréales fermentées mélangées à une quantité d’eau variable) par manque de matières premières, mais de nombreux auteurs ont montré que l’utilisation de produits issus de la viticulture industrielle étaient autant sinon plus efficaces pour ce type d’expériences (voir notamment A. Rimbourg, Ferruginous water and its scientific use.)
[4] Lire Blood alcohol concentration and rational emotive behavior in the mid-thirty journalist, par Johnny Walker et alii, Jenlain University Press, 1978.
[5] Série d’expériences réalisées au centre de recherches Whitewood entre 1995 et 1998.
[6] De nauwsluitende vlinder gebruikt en opvallend zijn zomergevoelen, Extrapool Research Center, Nijmegen, 1987.