Tapis roulant de caoutchouc fané
où s’achemine une étrange cohorte :
citrons, tampax, café instantané,
mousse à raser, bières de toutes sortes,
et, brunissant dessous la cellophane
– c’est pour le chien ! – morceaux de vache morte.
Rien en ces lieux n’évoque la Toscane,
et certes pas sous les néons blafards
le défilé de la foule profane
qui va stupide en traînant son cafard
comme on le fait dans des forêts obscures.
Visage triste et tout couvert de fard,
les mains gâtées par trop de manucures,
une caissière enchaîne les Bonjours !
en rêvassant à quelque sinécure.
Les yeux mi-clos, bouche ouverte, cœur lourd,
manipulant les pots de marmelade,
boîtes de thon, saucisses de Strasbourg,
elle sourit comme une enfant malade.
Parfois distraite elle a du mal à suivre
quand un client déballe ses salades.
Sa chair est triste elle a vu tous les vivres
sur son tapis processionner sans fin
et sans espoir qu’un jour on la délivre.
Elle a monté en chocolats surfins
la pyramide en tête de gondole
(et malgré tout, d’Italie nul parfum)
c’est vraiment pas tous les jours qu’on rigole
au Carrefour sous le périphérique.
Il semble bien qu’au temps des mégapoles
c’en soit fini des cercles concentriques :
l’Enfer est fait de rayons parallèles
où la poète aime poser des briques
pour édifier son œuvre fictionnelle.
À Lille, le 28 juillet 2021